QUATRE AVEC LE MORT

18 > 20 JANVIER 2024
FRICHE BELLE DE MAI MARSEILLE

PROJETS DE RECHERCHE

Pendant la dernière année de leur cursus les futurs comédiens ont la possibilité de travailler sur un projet de recherche. Chaque responsable de projet retenu doit constituer une distribution avec les autres comédiens de sa promotion, l’école apportant un soutien technique à l’opération. Une esquisse de ce travail est présentée au bout de trois semaines de répétitions. Il ne s’agit pas de mise en scène mais plus d’une expérimentation destinée à placer l’acteur face à son obligation de construction et de proposition ; elle vise à conforter l’autonomie et la responsabilisation de chacun des partenaires de ces projets.
Didier Abadie


QUATRE AVEC LE MORT

Une pièce de François Bon

Un projet de recherche de Gaspard Juan - Ensemble 30

Avec 3 apprenti.es/comédien.nes de l'Ensemble 30 : Maël Chekaoui, Nina Depays, Julia Touam

Création lumière Laurence Verducci


Au début, on ne sait rien d’eux. Ou plutôt on comprend l’essentiel. Trois personnages. D’un côté Hirta (Julia Touam) et de l’autre Dun (Maël Chekaoui) et Boreray (Nina Depays). Soeur, frère, femme du frère. Hirta et sa belle-sœur se connaissent depuis l’enfance, mais ne sont plus amies depuis longtemps. Les deux camps se réunissent pour la première fois depuis des années dans la maison familiale pour les funérailles du père. Le corps gît dans la pièce d’à côté, c’est très tôt le matin, la cérémonie se tiendra plus tard dans la journée. Voilà pour le portrait. Pourtant, ce n’est pas l’histoire d’un deuil. Mais l’histoire de déchirures infligées et reçues. C’est le jeu de trois êtres se criblant de mots, essayant de régler leur compte tantôt avec rage, tantôt avec humour, sans jamais réussir à toucher leur cible. C’est l’urgence de dire, durant cet instant si particulier du théâtre, tout ce qui doit être dit. C’est une pièce sur le pouvoir de dire, et à quel point ce pouvoir n’est jamais /loin d’être une évidence. Pièce sans indice, sans évènement, qui commence sans préambule et se termine sans façon, où les questions qu’on ne se posait même pas se répondent au fil du temps. Quatre avec le mort se joue de nous avec le même délice que sa langue creuse un sillon jusqu’à nos oreilles. Véritable déferlement poétique d’une famille empoisonnée par des années de non-dits, Quatre avec le mort traite d’un sujet universel en approchant avec une telle précision l’épiderme de chacun que ça commence à démanger. Du rire aux larmes, mais aussi d’une cruauté féroce à une tendresse inattendue. Le travail avec les acteur.ices s’est rapidement organisé comme un équilibre de funambule. D’une part en déchiffrant fidèlement la partition de François Bon, qui nous exprime son attachement à la technique de la fugue en musique, et fait de ses personnages des musiciens. Et d’autre part un travail du jeu endossant complètement l’écriture rythmique « en contrepoint » de la pièce. C’est l’envie de creuser ce travail de la parole au théâtre qui m’a guidé pendant ce processus de création. J’aime entrevoir les possibilités de jeu dans un texte rigoureux au premier abord, creuser une matière riche pour en sculpter des silhouettes dont les acteur.ices s’emparent comme d’une seconde peau. Et en cela François Bon va droit au but. Il ne s’embarrasse pas d’indications ou de coup de théâtre - le texte est écrit sans didascalies et quasi sans ponctuation. Il ne prend aucun détour même lorsque le texte semble s’échapper du réel pour toucher un lyrisme intime à chaque personnage. Les répliques ne sont construites ni en dialogue – c'est-à-dire qu'elles ne se répondent jamais qu'en décalage et ne miment jamais un semblant de relation sincère -, ni en monologue - c'est-à-dire que ce ne sont pas des paroles intérieures, qu'elles ne relèvent pas de la réflexivité. Les trois personnages tentent inlassablement, via leurs mots, de viser le cœur de l’autre, mais n’arrivent en réalité qu’à devenir leur propre cible. On pourrait appeler ça du pathétisme, j’appellerais ça de la fureur. Privés de tout support descriptif ou narratif, les personnages sont livrés à leur propre dénuement. A la fois chargés de la force sans limite de cette langue et minés par leur propre fragilité, ils mènent un combat sans vainqueur. Au milieu de tout ça, une question reste en suspens. Ce fameux Quatrième... qui est-ce ? Ce n’est pas l’apparition mystérieuse d’un nouvel interlocuteur au milieu de la pièce, ces trois-là resteront trois jusqu’au bout. Ce n’est pas le père, qui devient quasiment un prétexte. Ce n’est pas le lieu, simple réceptacle de toutes les névroses familiales. La réponse ne se trouve en tout cas pas dans ce que contient le texte. Peut-être alors dans ce qui s'en échappe ?

Gaspard Juan


Présentations
Jeudi 18 janvier 2024 - 20h00
Vendredi 19 janvier 2024 - 20h00
Samedi 20 janvier 2024 - 17h00

Lieu
IMMS - FRICHE LA BELLE DE MAI

Gratuit sur réservation
Tél : 04 95 04 95 78
contact13@eracm.fr